jeudi 7 juillet 2011

Paul Valéry: "Indicible correspondance, intime affinité....." (2) Le museum d'histoire naturelle de Londres

Quand   Paul  Valéry  parle  d’architecture  , quand le  poète  unit   la  musique  et  la  pierre  …
(2)





Enfin,  de par  cette  volonté  sortira de  terre  le monument tangible  et  visible, projeté dans la matière après  avoir  ébloui le pays  mystérieux où  les  anges  l’avaient  édifié avec  de  saintes harmonies !
Et voici  dans l’air  bleu le  Décor  tel  un  somptueux désir  d’enfant  réalisé…
Voici comme  un  prélude  annonciateur  des  rites,  l’archivolte  s’ouvrir avec  des  promesses,  et  les nervures légères  incurver  leurs  gestes  adoucis,  et  les  jeunes grâces des  arcs jaillir  en  des  inclinaisons féminines  de  tiges.  Par  les  verrières, des mauves  et  d’obliques lilas sur les  dalles  tombent, et  pleurent  des pluies  longues  de pierreries.
Et  c’est la  forêt  du  silence … Là les   hautes  effloraisons  des  piliers et  les  colonnades  liliales,  croisent  dans l’ombre  fastueuse  parmi  le  rare  pavement, - elles  qui  sont  fleuries  de fleurs  mystérieuses, et qui  portent  sculptées  sur  leurs  abaques, comme  des  fruits  de l’arbre  et  de la  science, les universels ,  les  magiques  symboles.

Museum d'Histoire Naturelle   de Londres

Et  c’est la  forêt où  l’on  oublie,  où  l’on  écoute !  Le long des parois précieuses, coupées par les hiératiques bandeaux,  des lotus nimbés  d’or,  inattendus  et  purs, épanouissent  leurs pales  calices, cueillis  peut être  au  fond  de wagnériennes rêveries, dans les plaines de la lune et  traduits  en  gemmes fondues  sur les murailles du  sanctuaire .
Museum d'Histoire  naturelle Londres

 Un largo  triomphal et  total  éclate enfin  sous l’ultime voûte ;  de  tous les  motifs  exprimés se  dégage et  s’essore le  secret,  le  glorieux amour  absolu…
Or  , celui  qui  entre  et  qui  regarde  ,  ébloui de l’œuvre tirée  d’un songe, retrouve  inévitablement d’héroïques  souvenances  .
Il évoque  en  un bois thessalien, Orphée, sous  les  myrtes ; et  le  soir  antique  descend. Le  bois sacré s’emplit  lentement de  lumière  , et le Dieu  tient la  lyre  entre  ses  doigts  d’argent. Le dieu  chante et,  selon le  rythme  tout  puissant,  s’élèvent au soleil  les fabuleuses  pierres,  et   l’on voit  grandir  vers l’ azur incandescent,  les murs  d’or  harmonieux  d’un  sanctuaire.
Il chante !  assis  au bord  du  ciel  splendide, Orphée ! Son œuvre  se   revêt  d’un  vespéral  trophée, et  sa lyre  divine enchante  les porphyres,  car  le  temple  érigé par  ce musicien unit  la  sûreté des  rythmes  anciens , à   l’âme  immense  du  grand hymne  sur la  lyre ! ….
Museum d'histoire  Naturelle de  Londres

 (Paul Valéry; Paradoxe sur l'architecte )        

Museum d'histoire naturelle de Londres  



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