mardi 10 septembre 2013

Paul Eluard :La puissance de l'espoir


Autant parler pour   avouer mon sort :
Je n'ai  rien  mien,  on m'a dépossédé
Et les chemins  où  je  finirai  mort
Je les parcours en  esclave  courbé;
Seule ma peine  est ma propriété :
Larmes, sueurs, et  le  plus dur  effort.
Je ne suis plus  qu'un  objet  de pitié
Sinon de honte  aux yeux d'un  monde  fort.

J'ai de manger et  de boire l'envie
Autant  qu'un  autre à en perdre la tête;
J'ai de dormir l'ardente  nostalgie :
Dans la chaleur, sans  fin , comme une bête.
Je dors trop  peu , ne  fais  jamais la fête.
Jamais ne baise une  femme jolie ;
Pourtant  mon coeur vide   ,point ne   s'arrête,
Malgré douleur mon coeur   point   ne dévie.

J'aurais pu   vivre,  ivre  de mon caprice.
L'aurore en  moi pouvait  creuser  son  nid
Et rayonner subtile et protectrice,
Sur mes semblables qui  auraient  fleuri.
N'ayez pitié  ,  si  vous avez choisi
D'être bornés et  d'être  sans justice :
Un  jour  viendra  où  je  serai parmi
Les constructeurs d'un  vivant  édifice,
La foule ummense   où  l'homme est  un ami.

Du recueil :  "Digne  de  vivre  , pouvoir  tout  dire  " Tchou  Editeur

Ce  poème publié  le  28 novembre  1946 dans les "Lettres françaises",  était signé  du pseudonyme Didier  Desroches.  L'auteur  avait  voulu  échapper aux formes  d'écriture qui  lui sont  personnelles  .

5 commentaires: