L’Adoration des Mages
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Sacrificio, Andrei Tarkovsky – 1986
Le dernier long métrage de Tarkovsky
La question que je pose dans ce film est à mon sens la plus aigüe : il s’agit de l’absence dans notre culture, d’un espace réservé à la vie spirituelle. Nous avons étendu l’espace des biens matériels, nous avons développé les expériences matérialistes sans nous rendre compte de la menace que cela faisait peser sur l’homme, en l’amputant de sa dimension spirituelles. Il en souffre et il ne sait pas de quoi il souffre. Il ressent un manque, une absence d’harmonie et il en cherche la cause.
J’ai eu envie de montrer qu’on peut renouer avec la vie en restaurant l’alliance avec soi-même, en retrouvant une source spirituelle. Et pour acquérir cette espèce d’autonomie morale ou l’on cesse de considérer uniquement les valeurs matérielles, où l’on échappe au statut d’objet d’expérimentation entre les mains de la société, une voie parmi d’autres, est de s’offrir en sacrifice.
Voilà donc un homme qui se sacrifie pour quelqu’un, qui comprend que pour se sauver même physiquement, il doit absolument s’oublier lui-même, trouver un espace pour sa vie spirituelle, accéder à un autre règne. Même si dans le monde tel qu’il est, son acte parait absurde, même s’il est une épreuve pour son entourage, c’est en l’accomplissant qu’il prouve sa propre liberté.
Ce film est une parabole poétique. Chaque épisode peut s’interpréter de différentes façons. Je suis bien conscient qu’il va à contre-courant des idées communément admises aujourd’hui. C’est un film
« à rebours ». Est-il nécessaire de préciser que je suis croyant, que je m’étonne de ce suicide spirituel (et pas seulement spirituel) vers lequel nous courons, même lorsqu’un État ne nous y contraint pas, et que je me sens plus proche de la pensée orientale : celle qui, au lieu d’engluer les hommes dans le bavardage universel, leur rappelle les Voies du Dedans.
– André Tarkovsky
Jean Sébastien Bach, Julia Hamari – Matthäus Passion, « Erbarme dich »
S’il vous plait, ne regardez pas ce film en observateurs occidentaux, en ethnographes de la chose russe. Le Sacrifice appartient à la littérature mondiale et les sillages sont faciles à reconnaitre. Les noms vénérés sont là : Shakespeare, Dostoievski, mais n’omettons pas la veine de Poe, ce côté Histoires extraordinaires que trahit l'anecdote de la photo où réapparait le fils mort.
Ce film, regardez-le sous un certain angle et vous pourrez mesurer à quelle hauteur se situent les dialogues, une maximum comme celle-ci : « N’attendez rien… » Ici, tout flotte, l’amour est en suspens, il n’y a plus de certitude de soi, on entre dans un chaos, le Dedans du sujet.
Au cœur du sacrifice ceci : la guerre finale — une guerre avec l’absolu — et la supplication de l’Éternel pour en être délivré. Oserai-je tirer sur ce fil ? L’indescriptible condition humaine se paie et la monnaie nous la connaissons : la cause qui fait vivre. Voilà l’étrange bagage que traîne l’humanité. Je me souviens des premières scènes du film, de la parabole du moine plantant son arbre, puis du tableau final de l’arbre dénudé et je pense aux accents de Dostoievski (celui des frères Karamazov) : « Bientôt tout s’expliquera. »
De là rayonne le film — récit d’un désespoir qui s’achève par la mise au silence du héros, Alexandre, sacrificateur et victime d’un Sacrifice qui le dépasse.
– Pierre Legendre
Ce film, regardez-le sous un certain angle et vous pourrez mesurer à quelle hauteur se situent les dialogues, une maximum comme celle-ci : « N’attendez rien… » Ici, tout flotte, l’amour est en suspens, il n’y a plus de certitude de soi, on entre dans un chaos, le Dedans du sujet.
Au cœur du sacrifice ceci : la guerre finale — une guerre avec l’absolu — et la supplication de l’Éternel pour en être délivré. Oserai-je tirer sur ce fil ? L’indescriptible condition humaine se paie et la monnaie nous la connaissons : la cause qui fait vivre. Voilà l’étrange bagage que traîne l’humanité. Je me souviens des premières scènes du film, de la parabole du moine plantant son arbre, puis du tableau final de l’arbre dénudé et je pense aux accents de Dostoievski (celui des frères Karamazov) : « Bientôt tout s’expliquera. »
De là rayonne le film — récit d’un désespoir qui s’achève par la mise au silence du héros, Alexandre, sacrificateur et victime d’un Sacrifice qui le dépasse.
– Pierre Legendre
B.S.O. Sacrificio (Offret sacrificatio)
Sur ce site sont présentés :
– Solaris : 1972 ;
– Le Miroir : 1975 ;
– Stalker : 1979 ;
– Tempo di viaggio : 1983 (documentaire ).
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