lundi 11 juillet 2011

Visconti, Senso, Bruckner

 Senso 
1954
Luchino Visconti 
Alida Valli :  la comtesse Serpieri
Farley Granger:  Franz Mahler
Musique :  Extraits de la 7ème symphonie de Bruckner   et   de l'opéra "Le Trouvère"  de Verdi
D’après une nouvelle de  Camille Boïto
  



Un des chefs-d'oeuvres de Visconti . La première rencontre des deux principaux protagonistes Franz et Livia , se passe dans les ruelles de Venise où ils déambulent toute une nuit durant laquelle le destin de Livia va progressivement basculer. Quand ils  se croisent , ce soir là , elle est comtesse Serpieri, une bourgeoise acquise à la cause de l'Italie et militante contre l'occupant  autrichien (c'est l'époque de Garibaldi et de l'unification italienne en guerre contre l'Autriche ) Au petit matin , elle n'est plus qu'amoureuse. Cette femme va tout sacrifier à ce jeune amant, un soldat autrichien qui abuse d’elle pour déserter et échapper aux combats. Tout y passe , honneur, famille, situation sociale et surtout cause politique qu'elle trahit lamentablement. Totalement sous l'emprise de cet amour elle découvre brutalement la manipulation de Franz . Humiliée, ayant perdu jusqu’au respect d'elle-même, elle dénonce  son amant à ses supérieurs et sombre dans la folie , tandis qu’il est exécuté .




 L'histoire peut paraitre assez banale , mais il faut compter avec le génie de Visconti et le talent d'Alida Valli,  Farley  Granger est  aussi excellent . Venise qui s'éveille au petit matin sur le quai du Rialto est inoubliable , la trahison de cette femme , ses luttes contre elle-même , l'évolution de ses sentiments , sa chute et la lâcheté de Franz, à moitié coupable finalement , toute cette tension pour nous amener à ce dénouement si tragique !! 


Personnellement , ce film me fascine parce qu’il  crée un conflit entre deux regards contradictoires   dépassant la  seule complexité  des caractères  et apportant la confusion  dans nos propres sentiments.

Entrainés par la passion  de Livia qui  en  est le narrateur , nous acceptons les confidences  d’une victime. Sa déraison  nous est perceptible du  début à la fin. On  pressent   sa  faiblesse  dont l’issue est inéluctable mais on ressent aussi  la passion  qui l’aveugle. Franz  nous est odieux et c’est sa lâcheté, sa  fourberie  que nous subissons et qui nous révulse.
 Mais  quand  la projection prend fin , que les lumières se rallument  il en va  tout  autrement  et l’on  est  confus  de cette complicité avec cette  passion  dévorante  qui  détruit Franz tout autant que Livia .
Le cynisme de l'officier autrichien aurait dû susciter  en nous moins d’antipathie Son réquisitoire  contre la guerre trouve en nous des échos justificateurs ; sa vision  d’une aristocratie  décadente et opportuniste ,sa réaction  aux valeurs moribondes , c’est le regard lucide sur un monde  qui  s’éteint  et  le pressentiment d’un  avenir  où il n’a pas sa place.  














L’idée  de Visconti était : «  de dresser un  tableau  d’ensemble de l’histoire italienne sur lequel  se  détacherait  l’aventure de la comtesse  Serpieri, mais celle-ci  au  fond  ,  n’était que la représentante  d’une certaine  classe . Ce  qui m’intéressait  , c’était  de  raconter  l’histoire d’une guerre  mal  faite , faite  par une classe seule et qui  fut un désastre ». (extrait  d’une interview de Visconti )   



Senso fut  profondément incompris à  sa  sortie. On l’interpréta  comme  une rupture  avec le néo-réalisme sans comprendre que pour Visconti « le néo-réalisme » est avant tout une question de  contenu » (cahiers du cinéma n°93) Le fil prolonge en  fait la théâtralité déjà  marquée antérieurement. Senso est un mélodrame où la réalité est stylisée à la manière d’un opéra. Plus qu’une  adaptation , le film est une réécriture de la  nouvelle de Boïto  puisque Visconti y introduit l’Histoire. La passion  de la comtesse Serpieri  se  déroule au  moment , 1866 ,  où l’Italie du  Risorgimento  affronte l’ Autriche qui occupe encore la Vénitie. Le Remigio  du  roman devient l’officier autrichien  Franz  Mahler et la comtesse  ne lui  donne pas ses bijoux personnels mais le « trésor  de guerre »  des patriotes italiens . Avec Senso  , Visconti  maitrise à la perfection , l’imbrication  de l’histoire individuelle et de l’Histoire collective  , parti pris qu’il  utilisera par la suite. 

Le  film n’est pas une fresque documentaire , c’est la peinture d’une passion tragique  dans un contexte qui lui  donne une signification universelle.
Quoique mutilée par la censure qui imposa la suppression de  certaines séquences sur la défaite italienne de Custozza, Senso reste  un des chefs-d-œuvres de Luchino  Visconti
(extrait de Luchino  Visconti  cinéaste de Alain  Sanzio  et Paul-louis Thirard éditions Persona)   



 Symphonie n°7 de Bruckner( adagio)

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