Quand Paul Valéry parle d’architecture , quand le poète unit la musique et la pierre :
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Indicible correspondance, intime affinité
« … D’abord , elle aura puisé l’exacte harmonie et les magiques infinis où les rythmes aboutissent, dans les ondes frissonnantes et profondes que les grands symphonistes ont épandues, Beethoven ou Wagner. Car de subtiles analogies unissent l’irréelle et fugitive édification des sons, à l’art solide, par qui des formes imaginaires sont immobilisées au soleil, dans le porphyre. Le héros, qu’il combine des octaves ou des perspectives, conçoit en dehors du monde…Il assemble et féconde ce qui n’existe ni ailleurs, ni avant lui , et se plait souvent à rejeter le souvenir précis de la nature . Dans l’immortelle nuit où l’idée , jaillissante comme une eau vive, se livrera vierge à l’architecture de l’Avenir, quand libre des choses visibles et des types exprimés, il aura trouvé le symbole et la synthèse de l’univers intérieur qui confusément l’inquiétait, lors cette volonté et cette pensée de musique agrandie composera sa création originale comme une haute symphonie.
Abbaye San Galgano Italie |
"Ainsi se manifestera l'indicible correspondance, l'intime affinité qu'il faut discerner, sous des voiles habituels et mensongers, entre deux incarnations de l'art, entre la façade royale de Reims, et telle page de TannHaüser, entre l'antique magnificence d'un grand temple héroïque et tel suprême andante brûlant des flammes glorieuses . "
Grèce |
Un jour le palais, le sanctuaire érigera les lueurs de ses frontons inconnus, proclamant l’âme vibrante et résonnante de l’artiste. Lui n’aura fait que pétrifier et fixer dans la durable ordonnance des matériaux la clarté céleste et les ombres émues dont les mesures et les accords des orchestres auront confié l’immense spectacle de son cœur. ! Toute sa pensée sera reflétée dans l’œuvre, et sur la façade miraculeuse il y aura des tristesses reposées et de brillants sourires .
Mélancolies et sourires et charmes insaisissables, le créateur s’en sera abreuvé dans les fleuves spirituels dont nous avons parlé.
Car les cuivres sont resplendissants comme des portes d’or, et les cordes étirées sur les violons versent avec une tendresse sacrée l’ineffable lumière de vitrail qui aime les cœurs merveilleux des ciboires ; car les orgues liturgiques creusent pour le rêve des coupoles dans des saphirs et d’énormes dômes pleins de tonnerre. Mais les flûtes s’élancent comme de graciles colonnettes, si hautes qu’un vertige les couronne ; et les autres instruments et les voix humaines semblent scintiller afin d’illuminer le chœur balsamique et nocturne o ù l’Être souffrant et triomphant officie pour la déplorable foule !
Telles sont les magnificences latentes sous les mélodiques formes , telles sont les richesses ouvertes à celui qui aura l’intelligence mathématique […]
(Paul Valéry; Paradoxe sur l'architecte )Grèce |
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