Puis c'est chez Ovide que nous trouvons l'histoire de ses amours détaillée .
Poursuivie par le cyclope Polyphène c'est Acis qu'elle aime .
De dépit et de jalousie Polyphène tue le bel Acis . Les dieux toutefois le change en fleuve .
Une autre légende dit que c'est Galatée qui changea son bel amant en fleuve pour pouvoir se baigner dans ses eaux éternellement .....
Ottin :Polyphène surprenant Acis et Galatée (jardin du Luxembourg à Paris) |
Ovide Les Métamorphoses chant XIII
Un jour Galatée, pendant que Scylla lui nouait et dénouait ses beaux
cheveux, lui dit avec un long soupir : « Que tu es heureuse, ô Scylla !
tu n’as pas de sauvages amants ; tu peux impunément refuser leurs vœux ;
et moi, fille de Nérée et de la belle Doris, avec mes cinquante sœurs
pour appui, je n’ai pu échapper qu’à force de pleurs à l’amour d’un
Cyclope ». Les larmes étouffent sa voix ; Scylla les essuie de sa
blanche main, et console doucement la déesse :
« Parle-moi, ô compagne chérie, lui dit-elle : ne crains pas de dire à
ton amie la cause de ta douleur ». Galatée lui répond : « Acis était le
fils de Faune et de la nymphe Symæthis : il faisait le bonheur de son
père, de sa mère, et le mien surtout, car je l’aimais : il était beau,
il avait seize ans, et un léger duvet dessinait les doux contours de ses
joues. Je l’aimais, et le Cyclope me poursuivait de son amour. Si tu me
demandes quelle était dans mon âme la passion la plus vive, de ma haine
pour le Cyclope, ou de ma tendresse pour Acis, je crois qu’elles
étaient égales. 0 Vénus, que ta puissance est grande ! Ce géant
farouche, l’horreur des forêts, que nul n’avait pu voir impunément, le
contempteur de l’Olympe et des dieux, sent ce que c’est que l’amour :
épris de ma beauté, il brûle, il oublie son antre et ses troupeaux. Il
songe à sa figure ; il veut plaire : il peigne avec un râteau sa rude
chevelure, il coupe avec une faux sa barbe hérissée ; il se mire dans
les eaux, il compose ses traits farouches.Ce n’est plus ce géant féroce,
toujours altéré de sang et affamé de meurtre : les vaisseaux abordent
au rivage et le quittent sans péril. Cependant Télémus, porté sur les
côtes de la Sicile, Télémus fils d’Eurymidès, que les signes de l’avenir
n’avaient jamais trompé, va trouver sur l’Etna le terrible Polyphème :
« L’œil unique que tu as au milieu du front, Ulysse te le ravira, lui
dit-il. - Tu mens, méchant devin, un autre l’a déjà ravi », répond le
géant, avec un éclat de rire, et en se moquant de l’infaillible menace
de l’augure. Tantôt il parcourait, de ses pas gigantesques, le rivage
qui s’affaissait sous son poids, tantôt il allait, épuisé de fatigue, se
cacher dans son antre. Vois-tu ce cap élevé qui s’allonge au loin sur
les flots, et que la mer baigne de deux côtés ? C’est là qu’un jour le
Cyclope vint s’asseoir au milieu de ses brebis, qui le suivaient
d’elles-mêmes. Après avoir posé à ses pieds le pin qui lui servait de
bâton, et dont on aurait pu faire un mat, il prit une flûte formée de
cent roseaux, et les mers, les montagnes frémirent des sifflements
horribles qu’il en tira. Caché sous les flancs d’un rocher, je reposais
sur le sein de mon Acis ; et de loin, mon oreille recueillait ces
paroles, qui sont restées gravées dans ma mémoire :« 0 Galatée, tu es plus blanche qu’un beau lys, plus fraîche que les fleurs de la prairie, plus élancée que l’aune, plus brillante que le cristal, plus folâtre qu’un jeune chevreau, plus polie que le coquillage lentement usé par la vague, plus agréable que les rayons du soleil en hiver, et que l’ombre en été ; plus exquise que les fruits les plus exquis, plus noble que le haut platane, plus transparente que la glace, plus suave qu’un raisin mûr, plus douce que la crème et que le duvet du cygne, et, si tu ne fuyais pas toujours, plus belle qu’un frais jardin. Mais en même temps, ô Galatée, tu es plus sauvage que la génisse indomptée, plus dure que le chêne chargé d’ans, plus trompeuse que l’onde, que la branche de saule et le rameau flexible de la vigne, qui se dérobent sous la main, plus impassible que ces rochers, plus impétueuse que le torrent, plus fière que le paon dont on loue le plumage, plus irritante que la flamme, plus âpre que les ronces, plus farouche que l’ourse devenue mère, plus sourde que les profondeurs de l’Océan, plus cruelle que le serpent foulé par le pied du voyageur ; et, ce qui fait surtout ma douleur, plus agile que le cerf devant la meute aboyante, plus légère que l’aile du zéphyr. Ah ! si tu me connaissais, tu te repentirais d’avoir fui ; tu regretterais tes longs refus, tu ferais tout pour me retenir auprès de toi. J’ai sur le flanc de la montagne un antre creusé sous le rocher ; là, on ne sent ni la chaleur brûlante de l’été, ni les glaces de l’hiver : j’ai des arbres dont les branches plient sous les fruits ; j’ai de longues vignes aux raisins dorés, d’autres aux raisins colorés de pourpre : je t’en réserve les grappes. Toi-même, de tes mains tu iras cueillir la fraise parfumée, née à l’ombre des bois, les fruits d’automne du cornouillier, la prune au noir duvet, et celle, plus délicate, dont la couleur imite la cire nouvelle. Ni les douces châtaignes, ni les fruits les plus savoureux ne manqueront à mon épouse : tous les arbres serviront ses désirs. Ces troupeaux sont à moi : beaucoup d’autres errent dans les forêts et dans les vallées ; beaucoup reposent dans les antres de la montagne. Ne m’en demande pas le nombre, je l’ignore : c’est au pauvre qu’il convient de dénombrer son troupeau. Mes brebis sont belles ; mais viens en juger par toi-même : viens voir comme elles peuvent à peine soutenir leurs traînantes mamelles. Les jeunes agneaux sont dans de chaudes étables : d’autres sont remplies de jeunes chevreaux. J’ai toujours du lait blanc comme la neige : j’en garde une partie pour le boire ; je laisse l’autre s’épaissir en fromage. Près de moi, tu n’auras pas seulement de ces présents vulgaires, plaisirs si faciles à donner : des daims, des lièvres, des chevreaux, une paire de colombes, ou un nid enlevé sur la cime d’un arbre : j’ai trouvé, dans les montagnes, deux jeunes ours au long poil, qui pourront jouer avec toi : c’est à peine si tu sauras les distinguer, tant ils se ressemblent. Je les ai trouvés, et je me suis dit : je les garderai pour ma maîtresse. Viens, ô Galatée, lève ta belle tête au-dessus des flots d’azur ; viens et ne dédaigne pas mes présents. Je connais ma figure, je l’ai vue naguère dans une eau limpide, et son image m’a plu. Vois comme je suis grand ! Jupiter n’est pas plus grand dans le ciel ; car vous parlez toujours de je ne sais quel Jupiter, qui règne, dites-vous, sur le monde. Une épaisse chevelure domine mon large front, et, comme une forêt, ombrage mes épaules. Si mes membres sont hérissés de poils, crois-moi, ce n’est pas une laideur : la beauté de l’arbre est son feuillage ; la beauté du cheval, c’est la crinière qui ondoie sur son col impatient : l’oiseau a son plumage : la laine est l’honneur de la brebis : une barbe et des membres velus siéent à l’homme. Je n’ai qu’un œil au milieu du front ; mais on dirait un large bouclier : le soleil n’embrasse-t-il pas l’univers du haut des cieux ? Et pourtant le soleil n’a qu’un œil. C’est mon père qui règne sur vos humides demeures ; tu seras la belle-fille de Neptune. Prends pitié de moi, je t’en supplie ; écoute ma prière, car je n’ai jamais prié que toi.Je méprise Jupiter, son Olympe et sa foudre ; mais je tremble devant toi, ô fille de Nérée : ton courroux est plus terrible que son tonnerre. Je souffrirais moins vivement de tes mépris, si tu fuyais tout le monde, comme tu me fuis : mais pourquoi repousser le Cyclope, et chérir un Acis ? Pourquoi préférer à mes caresses les caresses d’Acis ? Eh bien ! qu’il se complaise en lui-même ; que toi aussi, pour ma douleur, ô Galatée, tu te complaises en lui ; mais qu’il me tombe un jour sous la main, et il sentira que ma force répond à ma taille. Je lui arracherai, tout vivant, les entrailles ; je lancerai ses membres déchirés à travers les champs, et jusque dans la mer où tu habites : oh ! ainsi, soyez-vous réunis ! car enfin je brûle, et la flamme irritée n’en est que plus vive et plus terrible : je brûle comme si l’Etna et tous ses feux étaient dans mon sein : et toi, ô Galatée, tu es sans pitié ! »
Après ces plaintes inutiles (j’observais tout), il se lève, et, comme un taureau furieux de la perte de sa génisse, il ne peut rester à la même place, il erre à travers les bois et les montagnes. Tout à coup, comme nous étions sans crainte et dans l’ignorance du péril, il m’aperçoit auprès d’Acis : « Je vous vois, s’écrie-t-il ; attendez, ce seront là vos dernières caresses ». Ce cri était terrible, comme celui d’un géant irrité ; l’Etna le répète avec horreur. Et moi, éperdue, je me précipite sous les flots : Acis fuyait : « A mon secours, Galatée, criait-il ; mon père, ma mère, à mon secours ! cachez-moi dans vos ondes, où je vais périr ! » Polyphème le poursuit ; il arrache le sommet d’une montagne et le lance ; et quoiqu’une extrémité de cette masse atteigne seule Acis, elle le couvre tout entier et l’écrase. J’ai fait pour lui tout ce que les destins permettaient, en lui donnant la forme et les attributs de son aïeul. Sous le roc qui l’avait écrasé, le sang coulait en flots de pourpre : et d’abord sa couleur commence à s’effacer ; c’est comme l’eau d’un fleuve, troublé par une orage ; peu à peu, c’est une source pure et limpide. Alors la pierre s’entr’ouvre ; de ses flancs surgit la tige vigoureuse de verts roseaux ; le flot s’ouvre, et s’échappe en bondissant du creux du rocher. Tout à coup, chose merveilleuse ! s’élève au milieu des eaux le buste d’un jeune homme : des cornes arment son front couronné de joncs flexibles : c’était Acis, mais plus grand, mais avec un teint verdâtre ; c’était Acis changé en fleuve ; et ces eaux ont conservé son nom ».
Galatée avait cessé de parler : les nymphes qui l’entouraient se séparent, et plongent sous l’eau profonde et calme.
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