jeudi 17 novembre 2011

L'Amour au temps du Cholera , Garcia Marquez

"L'illusion  est  une  erreur   qui  se  nourrit  de nos  désirs  " aurait  dit  en  substance  E Kant.

Le  rêve   ne répond pas fatalement  à  la définition  de l'illusion et  pourtant   ils se nourrissent  tous  deux de nos  désirs  .




« …. Il  numérota toutes ses lettres  à  partir  du  premier  mois et  commençait par un résumé des lettres précédentes , comme les feuilletons  des journaux,  par crainte  que  Fermina  Daza    ne  s’aperçût  pas qu’elles avaient  une  certaine continuité. Lorsqu’elles furent quotidiennes  ,  il  remplaça  les enveloppes de deuil  par  des  enveloppes longues  et  blanches,  pour leur   donner l’impersonnalité complice  des lettres  commerciales.  Au  début il  était  disposé à  soumettre  sa patience  ,  à  une  épreuve plus grande  encore, au  moins tant qu’il ne constaterait  pas qu’il perdait  son  temps  avec la seule méthode différente  qu’il avait pu  inventer. Il  attendit  , en  effet, sans les souffrances  de  toutes sortes que  dans sa jeunesse   l’espérance lui infligeait , mais avec  au  contraire l’entêtement  d’un  vieillard de pierre  qui n’avait à  penser  à  rien  d’autre,  n’avait plus rien  à  faire  dans une compagnie  fluviale voguant  de  son propre  chef  sous des vents favorables,  et  qui possédait  de  surcroît  ,  l’intime conviction qu’il  serait  encore vivant  et en pleine  possession  de  ses facultés d’homme   demain,  après-demain , plus tard  et toujours,  lorsque Fermina Daza  serait enfin convaincue que le  seul  remède    à  ses afflictions de  veuve  solitaire était  de lui  ouvrir  toutes grandes le portes  de sa vie  .
  En  attendant il menait la  même vie régulière et,  prévoyant une réponse favorable,  il  entreprit  une  seconde  rénovation  de la maison afin  qu’elle  fut digne  de  celle qui aurait pu  s’en  considérer la reine et la maîtresse  dès le jour  où  elle  avait  été achetée. Il  retourna plusieurs fois  chez   Prudencia  Pitre,  ainsi  qu’il  se l’était promis, pour lui prouver  qu’en  dépit  des  déprédations de  l’âge il  pouvait l’aimer  au  grand jour et en plein soleil  aussi  bien  que pendant  ses nuits de  vague à  l’âme.  Il  continuait  de passer  devant  la maison  d’Andréa  Varon et  lorsqu’il ne  voyait plus  de  lumière   à la  fenêtre de   la salle  de bains,  il tentait  de  s’abrutir  avec les extravagances  de  son  lit , ne fût-ce que pour pas perdre la régularité de l’amour et  rester  fidèle à  une autre  de  ses croyances, jamais  démentie ,  que tant  que l’on  va le  corps va….. »

Gabriel  Garcia  Marquez :  L’amour au  temps du  choléra

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