Canto XXXIX
Eteint le rayon du jour à l'occident,
Et calme la fumée des fermes, calme
Était la voix des chiens et des hommes .
Lorsque, allant au rendez-vous d'amour,
Elle se trouva dans une lande,
La plus charmante et la plus gaie qui fût.
Répandant sa clarté sur toutes choses,
La soeur du soleil argentait les arbres
Qui faisaient une couronne à ce lieu .
Les rameaux , les feuilles murmuraient au vent,
Avec le rossignol qui toujours pleure,
Dans l'herbe un ruisseau se plaignait doucement.
La mer limpide au moin , les campagnes,
Les forêts, et les cimes des montagnes,
L'une après l'autre se dévoilaient.
La vallée sombre gisait dans l'ombre calme,
Et l'humide lune , de sa blancheur,
Couvrait les collines d'alentour.
Solitaire, la dame allait sa route
Silencieuse, elle sentait sur son visage
Le tendre vent qui porte les parfums.
Qu'elle fut heureuse , il est vain de le dire;
Elle trouvait du plaisir , et le bien
Promis par son coeur était plus grand encore.
Comme vous avez fui , belles heures sereines !
Nul plaisir ici-bas ne demeure
Ni jalmais ne s'arrête , sinon l'espoir.
Car voilà que se trouble la nuit,
Le visage si pur du ciel s'assombrit,
Et le laisir en elle se change en peur.
Une trouble nuée, mère de tempête,
Avait surgi des sommets, déjà si vaste
Que la lune et les étoiles disparaissaient.
Elle la vit se déployer de toute part
Et peu à peu s'élever dans les airs,
et leur faire une chape au-dessus d'elle.
Le peu de clarté s'éffaiblissait encore,
Cependant que le vent se levait
Là-bas dans le bois de son plaisir.
Et ce vent devenait sans cesse plus fort
Tant qu'à la fin les oiseaux éveillés
S'envolèrent de frayeur par les feuillages .
La nuée, s'accroissant, descendit
Vers le rivage,si bien qu'un de ses bords
Touchait les monts , et l'autre touchait la mer.
Quand tout fut pris dans l'aveugle ténèbre,
On entendit frémir la pluie, dont la rumeur
Croissait à l'approche de la nuée.
Au coeur des nuages claquaient des éclairs
Effrayants qui faisent battre ses paupières;
La terre était sombre , les cieux rougeoyaient.
La malheureuse sentit ses genoux faiblir,
Car le tonnerre grondait , semblable au tumulte
D'un torrent qui de très haut s'écroule.
Elle s'aarêtait parfois, bouleversée
Devant les ténèbres, puis reprenait sa course;
Sa chevelure et sa robe flottaient.
Elle fendait de la poitrine le vent dur
Qui, soufflant par l'air opaque,
Frappait son visage de gouttes froides.
Et le tonnerre la heutait comme une bête,
Rugissant affreusement sans repos,
Et croissaient la pluie et la tempête.
Partout c'était horrible chose que ce vol
De poussière, de branches et de pierres,
Et ce bruit qu'âme ne peut imaginer.
Elle, sa robe serrérre contre elle, couvrant
Ses yeux las, fatigès par l'éclair,
Pressait sa course à travers la tourmente.
Mais l'éclair était encore si bûlant
Dans ses yeux , qu'à la fin , d'épouvante,
Elle arrêta sa course et son coeur défaillit.
Elle se retourna et, dans l'instant,
L'éclair éteint, le ciel devint obscur,
Le tonnerre décrut et le vent s'arrêta.
Tout se taisait; mais elle était de pierre .
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