vendredi 10 janvier 2014

Eteint le rayon du jour...(Giacomo Leopardi ) Spento il diurno raggio in occidente ...

Canto XXXIX
Eteint le rayon  du  jour  à l'occident,
Et calme la fumée des fermes, calme
Était la voix des chiens et des hommes .

Lorsque,  allant au rendez-vous d'amour,
Elle se trouva dans une lande,
La plus charmante et la  plus gaie   qui  fût.

Répandant  sa clarté sur toutes choses,
La soeur  du  soleil argentait les arbres
Qui  faisaient une couronne   à  ce lieu .
Les rameaux ,  les feuilles murmuraient au  vent,
Avec le rossignol  qui  toujours  pleure,
Dans l'herbe un ruisseau   se plaignait  doucement.

La mer  limpide au moin , les campagnes,
Les forêts, et les  cimes des montagnes,
L'une après l'autre se dévoilaient.

La vallée  sombre  gisait dans l'ombre  calme,
Et l'humide lune  , de sa blancheur,
Couvrait les collines d'alentour.

Solitaire,  la dame  allait sa route
Silencieuse,  elle sentait sur son visage
Le tendre vent  qui porte les  parfums.

Qu'elle fut heureuse  , il est vain de  le  dire;
Elle   trouvait du  plaisir , et le bien 
Promis par son  coeur était plus grand encore.

Comme vous avez  fui , belles heures sereines !
Nul  plaisir ici-bas ne demeure  
Ni jalmais ne s'arrête  , sinon  l'espoir.

Car voilà  que  se trouble la  nuit,
Le  visage  si pur  du  ciel  s'assombrit,
Et  le laisir en  elle  se  change en peur.

Une trouble nuée,  mère de  tempête,
Avait  surgi des sommets, déjà  si  vaste
Que  la  lune et les étoiles disparaissaient.

Elle la vit se déployer de  toute part
Et peu  à  peu  s'élever  dans les airs, 
et leur faire une chape  au-dessus  d'elle.

Le peu  de  clarté s'éffaiblissait  encore,
Cependant que le  vent  se levait
Là-bas  dans le bois de  son plaisir.

Et ce vent devenait  sans cesse  plus fort
Tant qu'à  la fin les oiseaux éveillés
S'envolèrent  de  frayeur  par les feuillages .

La nuée, s'accroissant, descendit
Vers le rivage,si bien  qu'un de ses bords
Touchait les monts , et l'autre touchait la mer.

Quand tout  fut pris dans l'aveugle  ténèbre,
On entendit  frémir  la pluie, dont la rumeur
Croissait à l'approche de la  nuée.

Au coeur des nuages  claquaient  des éclairs
Effrayants  qui  faisent battre  ses  paupières;
La terre   était  sombre  , les cieux rougeoyaient.

La malheureuse sentit  ses genoux faiblir,
Car le  tonnerre  grondait   , semblable au tumulte
D'un torrent qui de  très haut  s'écroule.

Elle s'aarêtait parfois, bouleversée
Devant les ténèbres, puis reprenait  sa course;
Sa chevelure  et  sa robe  flottaient.

Elle fendait  de la poitrine   le vent  dur
Qui, soufflant par l'air opaque, 
Frappait son visage  de  gouttes froides.

Et le tonnerre la  heutait  comme une  bête,
Rugissant  affreusement  sans repos,
Et  croissaient  la pluie et la tempête.

Partout  c'était  horrible  chose que ce vol
De poussière, de  branches et  de pierres,
Et ce bruit qu'âme  ne peut imaginer.

Elle,  sa robe serrérre contre elle,  couvrant
Ses yeux  las, fatigès par l'éclair,
Pressait  sa course  à travers la tourmente.

Mais  l'éclair  était encore si  bûlant
Dans ses yeux , qu'à  la fin ,  d'épouvante,
Elle arrêta sa course et son  coeur  défaillit.

Elle se  retourna  et,  dans l'instant,
L'éclair éteint, le ciel  devint obscur,
Le tonnerre  décrut  et le vent  s'arrêta.

Tout se  taisait;  mais elle  était  de pierre .


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