lundi 25 juin 2012

La plage



                             La plage - Graeme Allwright

 Le texte  proposé   par  un  lecteur  que  je  remercie :

L'odeur du pin de chardon écrasé
Tiré par des bœufs, le chariot avançait
J'ai vu se briser tant de vagues sur la plage
Et j'ai chassé les ombres des nuages.

Elle est venue demander le chemin
Je cherchais ses yeux voilés par sa main
Ramassant une brindille, que la mer avait jetée
Dans le sable mouillé je l'ai tracé.

A travers les dunes elle a disparu
Je ne sais pas si je J'ai revue
Vainement j'essaie de suivre les traces
Que le vent, le vent, le vent efface.

Je vais, je vais, les chemins se nouent
Sur le rivage mon espoir échoue
Au milieu des bruyères le chariot s'est arrêté
Et glisse sur les algues sa chevelure mouillée.

Le cri des mouettes les rumeurs de la mer
Trop longtemps j'ai cherché la lumière
J'ai vu se briser tant de vagues sur la plage
Et j'ai chassé les ombres des nuages.


Jeux  de  plage

 

Robert Desnos " Jamais d'autre que toi...." par Serge Reggiani





  Jamais d'autre que toi en dépit des étoiles et des solitudes
En dépit des mutilations d'arbre à la tombée de la nuit
Jamais d'autre que toi ne poursuivra son chemin qui est le mien
Plus tu t'éloignes et plus ton ombre s'agrandit
Jamais d'autre que toi ne saluera la mer à l'aube quand
Fatigué d'errer moi sorti des forêts ténébreuses et
Des buissons d'orties je marcherai vers l'écume
Jamais d'autre que toi ne posera sa main sur mon front
Et mes yeux
Jamais d'autre que toi et je nie le mensonge et l'infidélité
Ce navire à l'ancre tu peux couper sa corde
Jamais d'autre que toi
L'aigle prisonnier dans une cage ronge lentement les barreaux
De cuivre vert-de-grisés
Quelle évasion !
C'est le dimanche marqué par le chant des rossignols
Dans les bois d'un vert tendre l'ennui des petites
Filles en présence d'une cage où s'agite un serin
Tandis que dans la rue solitaire le soleil lentement
Déplace sa ligne mince sur le trottoir chaud
Nous passerons d'autres lignes
Jamais jamais d'autre que toi
Et moi seul  seul comme le lierre fané des jardins
De banlieue seul comme le verre
Et toi jamais d'autre que toi.

R.Desnos

dimanche 24 juin 2012

Serge Reggiani : "Déjà" de Henry Bataille





Déjà

Hé quoi ?... Déjà ?... Amour léger comme tu passes !
À peine avons-nous eu le temps de les croiser
Que nous  sentons  déjà   nos mains qui se délacent.
Je songe à la bonté que n'a plus le baiser.

Un jour partira donc ta main apprivoisée !
Tes yeux ne seront plus les yeux dont on s'approche.
D'autres auront ton cœur et ta tête posée.
Je ne serai plus là pour t'en faire un reproche.

Quoi ? Sans moi, quelque part, ton front continuera !
Ton geste volera, ton rire aura sonné,
Le mal et les chagrins renaîtront sous tes pas ;
Je ne serai plus là pour te le pardonner.

Sera-t-il donc possible au jour qui nous éclaire,
À la nuit qui nous berce, à l'aube qui nous rit,
De me continuer leur aumône éphémère
Sans que tu sois du jour, de l'aube et de la nuit ?

Sera-t-il donc possible, hélas, qu'on te ravisse,
Chaleur de mon repos qui ne me vient que d'elle !
Tandis que, loin de moi, son sang avec délice
Continuera son bruit à sa tempe fidèle.

La voilà donc finie alors la course folle ?
Et tu n'appuieras plus jamais, sur ma poitrine,
Ton front inconsolé à mon cœur qui console,
Rosine, ma Rosine, ah ! Rosine, Rosine !

Voici venir rampant vers moi comme une mer,
Le silence, le grand silence sans pardon.
Il a gagné mon seuil, il va gagner ma chair.
D'un cœur inanimé, hélas que fera-t-on?

Eh bien, respire ailleurs, visage évanoui !
J'accepte. À ce signal séparons-nous ensemble...
Me voici seul ; l'hiver là... C'est bien... Nuit.
Froid. Solitude... Amour léger comme tu trembles !

Le Beau Voyage, Henry Bataille.

Les  deux  strophes  en italiques  ont  été  supprimées ; je  préfère  aussi  cette  version 

mardi 19 juin 2012

" Album " (Wislawa Szymborska )


La mort  de  Chatterton  par   Wallis
Personne  dans ma  famille  ne  sera  mort d'amour.
Il  s'est  passé  des choses  , mais de   légende, bernique !
Des  Roméos  phtisiques ? des Juliette  diphtériques ?
Certains  ont  même   atteint  des âges  canoniques.
Jamais  une victime d'une lettre sans  réponse,
D'un  poème  de larmes  baigné !
Des  voisins  arrrivaient  toujours en  fin de  compte,
Avec  des  roses  et  des  pince-nez.
Pas  un  cas d'étouffement  dans  une  armoire  d'époque
au  retour  du  mari  de  la  dame  volage.
Ces mantilles,  fanfreluches et  diverses  défroques
n'ont  empêché personne  de  grimper sur   l'image.
Pas  de  visions de  Bosch,  aucun enfer  dans l'âme,
Jamais  de pistolets  à  l'aube  dans la  clairière
(s'il  leur  échoit  parfois une  balle  dans le  crâne,
c'est  pour  d'autres  raisons  et  sur une   civière).
Même  elle ,  regardez-là,  au chignon extatique,
Les  yeux  cernés   d'avoir  dansé  jusqu'au  matin,
fut  enlevée  par  la  vague  d'une  toux  hemorragique
mais pas  vers  son  danseur  et  nullement  de  chagrin.
Peut-être  un  autre  d'avant  les  daguerréotypes,
Mais pas  dans  cet  album  sinon je le  saurais.
Les  chagrins  s'égayaient,  les  jours  se  ressemblaient,
et  eux  tout  consolés, succombaient  à  la  grippe.
(W. S :  Je ne  sais  quels  gens)

lundi 18 juin 2012

Folie et Philautie , ou l'éloge de l'amour de soi

Triptyque  de  la  Vanité   de  Hans Memling


"  Dites-moi si  l'homme   qui se  hait  soi-même est  capable  d'aimer  autrui, si  celui qui  se  combat soi-même peut  s'entendre  avec  quelqu'un,  si  celui  qui  est  à  charge  à soi-même peut être  agréable à un autre ? Pour le prétendre  il  faudrait   être  plus  fou que  moi. Eh bien, si l'on me  chassait  de la  société, nul ne  pourrait  un instant  supporter  ses semblables, chacun même se prendrait  en  dégoût et  en  haine. La  Nature  souvent  plus marâtre  que mère, a semé dans l'esprit  des hommes, pour peu  qu'ils soient intelligents, le mécontentement  de  soi et l'admiration  d'autrui. Ces  dispositions  assombrissent  l'existence; elle  y  perd  tous ses  avantages, ses  grâces  et  son  charme. A quoi sert  , en effet la beauté , présent  suprême des  immortels,  si  elle  vient à  se flétrir ? A quoi bon la jeunesse ,  si  on la laisse  corrompre par  un ennui sénile ? Dans toutes les  actions ,le premier  principe  que  tu  dois  observer  est  la bienséance ; Tu ne t'y   tiendras  envers  toi-même  comme  envers les  autres, que  grâce   à cette  heureuse  Philautie(1), qui me  sert  de  soeur, puisque partout  elle  collabore avec moi. Mais  aussi  comment paraître  avec  grâce,  charme  et  succès, si  l'on  se  sent  mécontent  de  soi ? Supprimez  ce sel  de  la vie, aussitôt  l'orateur  se  refroidit dans son  discours, la mélodie  du  musicien  ennuie, le jeu  de  l'acteur  est  sifflé , on  rit  du  poète et  de ses  Muses , le peintre  se morfond  sur  son  tableau et le  médecin meurt  de  faim  avec  ses  drogues . Le beau  Nirée  ressemble  à  Thersite , le  jeune   Phaon à  Nestor,  Minerve  à  une  truie,, le brillant parleur s'exprime  comme  un  petit  enfant, le  citadin  comme  un  rustaud. Tant il  est  nécessaire  que  chacun  se  complaise en  soi-même et  s'applaudisse !

En fin  de  compte, si  le  bonheur  consiste  essentiellement à  vouloir  être  ce  que  l'on est, ma bonne  Philautie le  facilite pleinement. Elle  fait  que personne  n'est  mécontent  de  son  visage, ni de son  esprit  , de sa naissance , de  son  rang  , de  son  éducation , de  son pays. Si  bien  que  l'Irlandais   ne  voudrait  pas  changer avec  l'  Italien , le Thrace  avec  l'Athénien, le  Scythe  avec  l'insulaire  des  Fortunées.  Et  quelle  prévoyante  sollicitude  de  la  Nature  qui  fait  merveilleusement  disparaitre  tant d'inégalités!  A-t-elle  pour  quelqu'un  été  avare  de  ses  dons ?  Elle  renforce  aussitôt  chez  lui l'amour - propre et  je  viens  de  m'exprimer  fort  sottement, puisque  ce  don -là  vaut  bien  tous les  autres.
Je  dirai  maintenant  qu'il  n'est  point  d'action d'éclat que je n'inspire, point  de  bel  art dont  je ne sois  créatrice " .
(L'éloge  de  la   Folie   Erasme  , XXII )

(1)  amour  exagéré  de  soi

dimanche 17 juin 2012

vendredi 15 juin 2012

Antonioni, Le Désert rouge (1964)

1er film en couleur de Michelangelo Antonioni 
Titre original : Il Deserto rosso
Photographie de Carlo Di Palma
Musique de Giovanni  Fusco 

Avec
Monica Vitti : Giuliana
Richard Harris : Corrado
Carlo Chionetti : Ugo

Excellente critique sur Wikipédia France.
La critique est plus simple sur Wikipédia Italie.

Dans ce premier  film  en  couleur, Antonioni  utilise les images pour soutenir son choix de l’abstraction. La banlieue de Ravenne hyper  industrialisée lui procure les atmosphères qui suggèrent le drame de la Nature autant que celui des personnages. La perte de sens se lit dans cette nature impitoyablement ravagée comme dans le personnage bouleversé par la névrose de Giuliana. Leur rêve commun, leur  refuge, une île au sable rose illuminée par le soleil, où tout chante… Une histoire dans l’histoire…

Quelques images (j’ai parfois laissé les sous-titres) :


























Des  atmosphères   où   je  retrouve  Tarkovsky









 Un  bateau ..et  puis  un  autre  ...





Une plage  de  sable rose  .......